
20.03.17
J’avais décidé d’écrire sur le bonheur, sur ces rencontres qui donnent un sens à la vie et ces moments qui la rendent plus belle et plus légère.
Mais le 19 décembre, j’ai allumé la télévision et les atrocités ont envahi mon salon. Elles ont peint les murs en noir et en sang, elles ont fait résonner des cris de haine et de terreur. Soudain, l’humanité a disparu et j’ai pensé qu’il faudrait vraiment beaucoup de bonheur pour effacer ces images. Je me suis demandée si, avec le temps, le monde reprendrait ses couleurs, si les enfants auraient toujours des étoiles dans les yeux en admirant les décorations de Noël l’année prochaine. Et la réponse m’a laissé un goût amère.
Depuis plus d’un an, les noms des villes touchées par ces immondes massacres défilent sur nos réseaux sociaux. L’horreur a atteint nos frontières, la mort et la désolation ont creusé une brèche dans les murailles que nous nous sommes construites, pour qu’enfin nous réalisions qu’on ne souffre pas qu’ailleurs, à l’autre bout du monde. Alors, on a été Paris, on a été Bruxelles, on a été Nice, on a été Istanbul, on est Berlin. Mais on est quand même beaucoup moins Berlin qu’on a été Paris.
Je réalise alors que notre monde s’est engagé dans un travail de deuil, classique, avec ses cinq étapes.
Au lendemain des attentats de Paris, il a fallu réaliser que la paix n’était plus. Après le choc et l’effroi, certains ont exprimé leur colère, d’autres leur tristesse. D’autres encore ont préféré éteindre leur poste et reconstruire leur forteresse. Tous ont cru qu’on pourrait les combattre, on s’est armés de fusils et d’amour les uns pour les autres. Pendant quelques instants, quelques jours, on s’est aimés, on s’est unis. On a été #Humanité.
Et puis, le deuil s’est effacé pour laisser la place aux habitudes. Chacun a repris le cours de sa vie. On a souri en prenant le métro le matin, on s’est rendus dans des endroits publics bondés de monde, l’incivilité a repris le dessus, on s’est agacé de cette dame âgée qui faisait ses courses à l’heure de pointe, de ce policier qui contrôlait avec zèle les papiers de tous les passagers, de ces cris d’enfants qui viennent fendre le silence.
On a recommencé à vivre.
Vivre pour oublier, oublier ceux qui ont cessé de vivre.
Crédits photo: Jovi Waqa
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